Ingrid Metton, avocate
Il y a une contradiction flagrante entre la possibilité de culture du chanvre à un taux inférieur à 0,2%, et la possibilité de commercialiser du CBD qui est forcément issu des plants de chanvre dont le taux peut être inférieur à 0,2%.
D’ailleurs, la note de la MILDECA porte cette contradiction puisqu’elle énonce que :
« Dès lors, tout produit contenant du cannabidiol extrait de la plante de cannabis est interdit sauf s’il entre dans le cadre de la dérogation ci-après mentionnée. »
« Cette dérogation à ce principe d’interdiction existe afin de permettre l’utilisation du chanvre à des fins industrielles et commerciales »
« Ainsi, certaines variétés de cannabis ou de chanvre, dépourvues de propriétés stupéfiantes, peuvent être utilisées à des fins industrielles et commerciales sous trois conditions cumulatives (variété du catalogue, graines et fibres, taux de THC) »
Cette règle ne s’appliquerait à mon sens qu’aux produits dérivés qui seraient produits en France. Interdire la vente de produits manufacturés dans un autre pays européen où l’utilisation de la plante est légale porterait atteinte au marché commun.
Je suis aussi en désaccord sur le point suivant : l’interdiction de la fleur de chanvre.
Le traité sur le fonctionnement du l’UE pose le principe de la libre circulation des marchandises (articles 34 à 37), ce qui inclut les produits agricoles et les produits de première transformation (article 38) listés à l’Annexe 1 du traité. L’annexe 1 chapitre 57 vise le « chanvre (Cannabis Sativa) brut, rouille, teillé, peigné ou autrement traité, mais non filé ; étoupes et déchets (y compris effilochés) ».
Ainsi, le droit européen ne pose aucune restriction quant à la partie de la plante qui peut être produite et commercialisée. Seule restriction possible par les Etats membres : restriction relative aux risques pour la santé humaine. La fleur doit être considérée comme un produit agricole puisqu’elle est brute.
L’arrêt Hammarsten de la CJUE de 2003 pose ensuite le principe suivant :
« Toutefois, il ressort des deux premiers considérants du règlement n°1430/82 que les risques pour la santé humaine que comporte l’usage des stupéfiants ont précisément été pris en compte dans le cadre de l’organisation commune de marché dans le secteur du chanvre «
« Il y a lieu de constater, d’une part, que l’interdiction qui découle de la législation suédoise relative aux stupéfiants de cultiver et de détenir du chanvre industriel couvert par l’organisation commune de marché dans le secteur du chanvre porte directement atteinte à cette organisation commune «
Ainsi, selon la CJUE, les risques pour la santé humaine ont suffisamment été pris en compte par les normes européenne relatives au chanvre, interdisant toute norme plus restrictive de la part des Etats.
L’arrêt parle effectivement de chanvre industriel. Mais le règlement européen 1308/2013 traite de la réglementation relative à « l’organisation commune des produits agricole » sans plus de précision. La fleur, en tant que produit agricole non travaillé, doit pouvoir être commercialisée si son taux de THC est inférieur à 0,2% et si elle appartient à une variété autorisée en France.
Si elle devait être exclue du champ d’application des règles du marché commun, seule la CJUE en a la compétence. La France ne peut pas décider seule de poser des limites au marché commun.